Coupés du monde extérieur, privés de tout point de comparaison, les Soviétiques sont étroitement encadrés et embrigadés de la naissance à la mort, et soumis à une propagande de masse omniprésente et permanente. Presse, radio, théâtre, livres, cinéma, affiches, monuments ou institutions diffusent les mêmes mots d’ordre, glorifient uniformément le régime, ses réalisations et ses chefs, enfin stigmatisent pareillement ses ennemis désignés. La jeunesse est enrôlée dans le Komsomol. Le discours officiel, ou «langue de bois», devient la grille de lecture obligatoire du réel, dont il masque aussi tous les aspects gênants. Le culte obsessionnel du secret et le travestissement de la réalité laissent les masses dans l’ignorance de ces derniers.
La construction de l’image de Staline n’est perceptible qu’à partir de la fin des années 20. Elle se réalise dans le prolongement et à l’ombre de celle de Lénine. Celle-ci se nourrit de l’image du père fondateur. Les deux s’emboîtent curieusement comme deux «matriochka», les traditionnelles poupées gigognes russes. Un culte de Staline est créé par les services de propagande au cours des années Trente, et va se développer jusqu’au début de la guerre.
il convient de souligner qu’aucune affiche de Staline, datant tant de la Guerre civile que de la période 1924 à 1929, n’est parvenue jusqu’à nous. Or Staline, même s’il n’a tenu qu’un rôle secondaire par rapport à Lénine ou à Trotsky, faisait partie des dirigeants. C’est d’ailleurs lui qui, lors des funérailles de Lénine, prononça l’éloge funèbre le plus passionné du leader disparu, comme s’il avait déjà voulu démontrer sa filiation. Mais à l’exception de cette cérémonie, Staline donne l’impression de vouloir rester dans l’ombre, comme s’il attendait son heure. Il convient en effet d’insister sur le fait que Staline lui-même, contrairement à Lénine, allait être à l’origine de son propre culte.
L’année suivante, le 25 février 1930, la Pravda fait paraître son portrait sous la signature d’un artiste bien connu, Deni, caricaturiste et affichiste ayant participé aux activités de Rosta Okhna

. L’affiche est empreinte d’une grande humanité. Staline est peint fumant la pipe. Il semble réfléchir tout en expirant un long panache de fumée dans les volutes duquel sont emportés trois personnages alors honnis par le régime, un koulak, un Nepman et un parasite. L’image est à retenir, car elle présente une certaine intimité de Staline et lui confère une touche de simplicité, traits que la propagande, par la suite, s’efforcera systématiquement de mettre en valeur. Nous avons là une caractéristique fondamentale de l’image de Staline: il s’agit de montrer sa simplicité, sa proximité, voire son intimité avec le peuple. C’est la première présentation du nouveau leader. On notera le caractère populiste d’une telle démarche.
Au cours des années suivantes, l’image de Staline est partout et les titres dont il est encensé se multiplient. Cette ubiquité et ces louanges sont faites pour contribuer au développement de son culte avant la guerre. Il est «le grand révolutionnaire», «le Lénine d’aujourd’hui», «le grand chef d'État». Il est lui aussi appelé «vojd», le guide. Mais il reçoit le titre de «khoziaïn», qui veut dire «maître». Cette appellation était autrefois attribuée au maître de maison. Elle a un sens patrimonial certain et n’est pas sans rappeler le titre donné aux propriétaires terriens de l’époque tsariste. Staline est aussi appelé «Le petit père des peuples», pour affirmer son côté paternaliste, son lien avec la population. Il est «le plus sage des hommes». Au fil des mois, l’image de Staline s’impose et le culte ainsi créé par la propagande est devenu un thème majeur, incontournable. 

Staline est toujours présenté au milieu du peuple. Il s’agit de mettre en évidence son attachement à celui-ci. Lorsque Staline est présenté au sein d’un petit groupe, l’artiste met en évidence la relation étroite et directe existant entre lui et le citoyen soviétique. En revanche, lorsqu’il se trouve au milieu d’une foule, on insiste alors sur l’aura du chef, sur la dévotion et l’admiration qu’il suscite et sur l’enthousiasme mobilisateur qu’il provoque, preuves du culte qu’on lui voue.
Prenons par exemple cette affiche de Naum Karpovski, faite en 1950. Staline y est peint dans son uniforme blanc de généralissime. Il se tient au milieu de kolkhoziens qu’il vient très certainement de décorer. On remarquera les regards et les attitudes admiratifs, respectueux et dévoués des paysans entourant Staline. Lui se tient au milieu d’eux, très proche, puisque les épaules semblent se toucher. Il est de même taille qu’eux. Mais Staline se détache nettement du groupe par le blanc immaculé de sa vareuse. L’éclairage se réfléchit sur celle-ci et donne au personnage une aura qui rayonne à son tour sur les visages des kolkhoziens. Staline est avec eux, sans être comme eux. Il sait se mettre à leur niveau tout en étant un personnage hors du commun.

Sur cette affiche de Belopol’sji faite en 1951. Il est appelé le «grand architecte du communisme». Staline, en uniforme, visite le chantier d’un barrage en construction. Il tient les plans d’une main et regarde l’horizon, comme s’il avait en tête d’autres projets, en créateur génial qu’il est. Le groupe d’experts qui le suivent à gauche, est très en retrait; ils sont comme fascinés. Staline occupe à lui seul le tiers de l’affiche. Sa taille est à la mesure de celle du barrage. Il est appelé «grand architecte», comme d’aucuns ont appelé Dieu «le grand architecte de l’Univers». L’analogie est à peine cachée, il est présenté comme le bâtisseur du communisme dans le monde. Nous sommes en 1951, en pleine guerre froide. L’URSS est alors en totale rupture avec ses anciens alliés et se présente comme le faiseur de Paix et de progrès au profit de l’humanité entière contre les Etats-Unis dont la politique conduit à la guerre. Staline est donc celui qui apporte le progrès sur terre grâce au communisme. C’est bien «Dieu sur terre».
Il exixte une quantité phénoménales d'images représentant Staline comme "Dieu" mais sous son règne il y a eu aussi des photomontages comme le montres les images suivantes:


 
 



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