Le régime encourage la délation de masse. Par la presse, le cinéma, l’école ou la littérature, il incite chacun à dénoncer les «suspects», «espions» et autres «saboteurs», et à surveiller ses proches et sa propre famille. Il entoure d’un intense culte posthume le jeune mouchard Pavlik Morozov, tué dans des circonstances obscures en 1932, et présenté en exemple à toute la jeunesse soviétique
Pavlik Morozov


Pavel Trofimovitch Morozov (né le 14 décembre 1918 et mort le  3 septembre 1932 à Gerasimovka en URSS), est un jeune paysan de l'union soviétiques érigé en icône du communisme. Son titre officiel était celui de " pionnier-héros numéro 001 de l’Union Soviétique ".

Pavel était l'aîné d'une famille de paysans du village de Gerasimovka dans la région des monts Oural  en Sibérie occidentale, à 60 km du centre de district Tavda. Surnommé sa vie durant "Pasha", Pavel n'est devenu Pavlik qu'après sa mort à l'instigation de la propagande soviétique.
Son père, Trofime Sergueïévitch Morozov, était chef de village. Il a disparu en déportation.
Sa mère s'appelait Tatyana Morasova et avait des relations conflictuelles sinon avec son mari, du moins avec sa belle-famille. Prise en charge par l'Etat après l'affaire, elle reçut de Staline une pension ainsi qu'un logement en Crimée où elle mourra en 1983.
Pavel avait trois frères: Aleksei (1920- ), Fedor (1922-1932) et Roman (1926-1945).
Il était le premier enfant de paysans de la région des monts Oural, et chef d'une troupe de pionniers de son village. Son père, Trofime Sergueïévitch Morozov, responsable du soviet local, était en relation avec des koulaks à une époque où la famine régnait et où les bolcheviks réquisitionnaient le grain. Pavel Morozov, sûr que son père dissimulait du grain (ou alors qu'il fournissait des faux-papiers à des koulaks pour qu'ils évitent l'exil), le dénonça à la police secrète. Celui-ci fut donc arrêté et déporté.
Mais des membres et relations de la famille, et notamment son grand-père paternel, Sergueï, lui en voulurent et se vengèrent en tuant le jeune pionnier ainsi que son frère Fedor. Ils furent arrêtés, jugés et exécutés en tant qu'ennemis du peuple.
Les autorités communistes firent de Pavel Morozov (Pavlik) un martyr et un héros; elles le proposèrent en exemple aux pionniers et à la jeunesse de l'Union Soviétique, lui dédiant des monuments, donnant son nom à des écoles, etc. Une statue lui était élevée à Moscou et un chant exaltait son histoire.
Pendant plus de soixante ans, Pavlik Morosov a été un exemple pour tous les enfants soviétiques: ils devaient consacrer leur existence à l’État, et non à leur propre famille. Pavlik a été utilisé comme un modèle: il s’agissait d’inciter les enfants à tenir informées les autorités du comportement de leurs parents. Une puissante vague de dénonciations s’est alors abattue sur l’ensemble du pays. En droit pénal, on autorisait l’utilisation des témoignages d’enfants et de la dénonciation anonyme.
Chant sur un héroïque pionnier
Dans l'Oural est une splendide forêt,
À la beauté séculaire,
D'une verdure éclatante toute l'année.
Au-dessus des sommets
Planent des aigles,
Plus haut que les aigles, un avion vole.
Au pied de la montagne, il y a un kolkhoze.
Ici, notre camarade a grandi.
On l'appelait Pavel Morozov.
Notre camarade fut un héros.
Il n'a pas accepté que son père
Vole ce qui appartenait au peuple.
Pendant une nuit obscure,
Ils se sont vengés sur lui.
Ils l'ont tué d'une balle en pleine poitrine.
L'ennemi le prit en embuscade
Sur une route déserte.
Le Pionnier ne reverra pas son unité.
Notre unité est formée d'aigles,
Elle est forte de leur courage.
Morozov est un exemple pour tous les enfants.
Nous sommes une troupe de héros,
Morozov est cher à nos coeurs,
Les Pionniers ne l'oublieront jamais.
Dans l'Oural, dans la forêt,
Le vent sèche la rosée.
Le brave Pavlik ne retournera pas à son unité.
Il est mort en héros
Sous la haute montagne.
Et notre chant est pour lui.
Pavlik n’avait jamais été pionnier. Avant son assassinat, il n’existait pas la moindre cellule de pionniers dans son village. Mais en affirmant que Pavlik avait été pionnier, l’État pouvait transformer les assassins - sa propre famille - en une bande de terroristes politiques. En réalité, Pavlik était un simple petit paysan qui savait à peine lire et écrire, et qui était encore moins capable de lancer des slogans politiques élaborés.
Suite à un différend avec son grand-père, Pavel a dénoncé celui-ci aux autorités locales. Mais dans les pièces du dossier criminel il ne s'est trouvé aucun rapport de Pavlik Morosov contre son père. Il n’a pas commis l’acte dont on le rend aujourd’hui personnellement responsable: avoir trahi son père.
Tous ceux qui ont été soupçonnés d’avoir commis le meurtre, y compris l’oncle et les grands-parents de Pavlik, ont été condamnés à mort. Les membres de la famille de Pavlik avaient été si atrocement torturés qu’ils n’étaient pas en état de se défendre. Mis à part quelques citations de Staline, on n’a apporté aucune preuve de leur culpabilité.
D'après Youri Droujnikov qui a écrit une biographie de Pavlik Morozov, Le Mouchard 001, ou l'Assomption de Pavlik Morozov (Donostchik 001, ili Voznesenie Pavlika Morozova, Londres, 1987; Moscou, 1995; Ekaterinbourg, 2001), il est probable que cette histoire ait été montée de toutes pièces par les services secrets soviétiques dans un but de propagande. Il est même possible que Pavlik Morozov ait été assassiné par les autorités afin de créer son image de martyr.
Les paysans des kolkhozes et des sovkhozes sont surveillés au travers des MTS (stations de machines et de tracteurs) qui ont le monopole de l’outillage moderne dans les campagnes et qui, avec leurs sections politiques, sont les yeux et les oreilles du pouvoir. Jusqu’à la mort de Staline, ils sont soumis à des impôts en nature et à des prélèvements obligatoires souvent exorbitants, fixés en dépit de la réalité.
La Loi des Cinq Epis, promulguée le 7 mai 1932 en pleine famine, punit de Goulag tout «vol de la propriété socialiste». Une mère ayant dérobé de quoi empêcher ses enfants de mourir de faim sera donc déportée. Cette loi terrifiante est responsable de centaines de milliers d’arrestations et de déportations. En 1946, une loi similaire a des conséquences comparables, quoique de moindre ampleur[]
Dès 1931, les ouvriers doivent avoir un livret de travail et ne peuvent changer d’emploi sans autorisation. Or, au nom de l’industrialisation, la classe ouvrière doit subir des conditions de travail extrêmement dures: salaire aux pièces, longues journées, multiplication des accidents, suspicion généralisée contre les «saboteurs» réels ou supposés. Aucune protection ne s’offre à elle: la grève est impossible, les syndicats ne sont que des relais du pouvoir, le Commissariat au Travail est dissout en juin 1933. Après les soulèvements ouvriers de juin 1932 à Ivanovo, toute résistance physique disparaît pour une trentaine d’années. Entre 1938 et 1940, une série de décrets draconiens punissent d’envoi au Goulag tout retard répété de plus de 20 minutes: ces décrets sont responsables de deux millions de condamnations en un an, et de 11 millions jusqu’à leur abolition en 1957[]
Dès l’ère léninienne, nombre de Soviétiques sont discriminés en raison de leurs origines sociales. Ces «gens du passé» (byvchie ljudi) et autres «éléments socialement dangereux» (catégories vagues qui englobent des droits communs ou des marginaux autant que d'ex-petits commerçants, des hommes d'Église ou des rejetons de l'ex-aristocratie) sont des cibles prioritaires de la surveillance et de la répression. Dès 1929, on compte ainsi 4 millions de Soviétiques privés de tous leurs droits civiques (lichensty), et discriminés avec leurs enfants dans l'accès au logement, au travail, à l'éducation supérieure, etc[]
Dès les années 1920, ces catégories font l'objet de rafles régulières dans les villes, et déportées par milliers. Pendant les années 1930, leur nombre s'accroît des centaines de milliers de dékoulakisés échappés des campagnes ou évadés de leur lieu d'exil, ainsi que d'une masse de nombreux ex-artisans dépossédés, ex-nepmen, petits trafiquants, délinquants juvéniles... tous victimes des transformations brutales de la société soviétique. Elles seront victimes prioritaires des Grandes Purges, en particulier du décret 00447 de Iejov signé le 30 juillet 1937.
À partir du 28 décembre 1932, aucun citoyen ne peut plus se déplacer, se loger ou travailler sans son passeport intérieur (propiska). L'oublier chez soi suffit à être déporté en cas de contrôle. À la 5e ligne figure l'indication de la nationalité, ce qui facilite les discriminations ou les déportations ultérieures. Dans l'immédiat, les campagnes d'enregistrement permettent de débusquer en masse les koulaks réfugiés qui se cachent en ville, les Tziganes, les membres des classes déchues, les éléments «socialement dangereux». Ils sont alors expulsés ou déportés. Les centaines de milliers d'habitants qui se voient refuser leur passeport perdent tout accès légal aux moyens d'existence (travail, logement)[]




 



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